Cet article m’a été inspiré par le travail de California Classics. Dorothy Rogers et Aaron Winchell sont artisans et tressent à la main des bosals selon la longue tradition des vaqueros californiens.
Table des matières
L’éducation naturelle que je promeus sur ce site internet est fortement influencée par cette tradition des Vaqueros californiens. Ces hommes de chevaux prenaient tout le temps nécessaire pour éduquer leurs chevaux de la manière la plus douce et efficace possible afin d’obtenir un cheval calme, léger et souple, ayant du répondant et de la vélocité, capable de réfléchir et de prendre des initiatives.
J’ai déjà parlé de ce style Vaqueros californiens dans mon article traitant de la série de DVDs de Buck Brannaman : The Making of a Bridle Horse. Buck Brannaman a souvent mentionné tout ce qu’il devait à ses mentors : Ray Hunt, Tom et Bill Dorrance ont toujours suivi ce Voyage du bridle horse lorsqu’ils éduquaient leurs chevaux depuis le débourrage jusqu’au cheval “fini”, plusieurs années plus tard.
Tradition : Voyage des vaqueros californiens
Le Voyage
L’éducation selon la tradition vaqueros californiens est un voyage composé de plusieurs étapes. Ces étapes cimentent la relation et la confiance entre le cheval et le cavalier ou la cavalière. Le partenariat plutôt que l’utilisation de la force caractérise cette relation. C’est un processus de construction sur le long-terme, il n’y a pas de raccourcis possibles.
Les concepts de mañana (“demain”) et poco a poco (“petit à petit”) ne sont pas de vains mots. Le temps n’est rien et le voyage est aussi important que la destination finale. Il est essentiel de rappeler que ce style a plusieurs routes possibles, qui toutes mènent au même endroit. La route variera en fonction du cheval et du cavalier, car il n’y a pas une unique route qui serait la “bonne”.
La remise en question est un autre paramètre clef pour réussir. Que cette remise en question soit personnelle ou l’objet d’une observation extérieure (faite par un ami, un mentor ou un entraîneur), identifier ce qui doit être amélioré ou éliminer les comportements inconstants est primordial si l’on veut que le cheval et le cavalier progressent.
Éducation
D’aucun sont convaincus que seul le cheval reçoit l’apprentissage. Ce n’est pas le cas, car cheval et cavalier doivent tous deux apprendre. Alors qu’ils progressent ensemble, voyageant d’une étape à l’autre, ils apprennent aussi bien l’un sur l’autre que comment manœuvrer sur un exercice en particulier. L’éducation peut être découpée en plusieurs niveaux :
Maternelle : Inculquer les Fondamentaux
À ce niveau, cheval et cavalier apprennent les bases afin de se comprendre et de créer des liens. Les objectifs et comportements incluent :
- Courtoisie
- Respect
- Pression et relâchement
- Gestion du stress par le contrôle de la peur et de la nervosité grâce à la procrastination et l’acceptation
- Mise en place d’un contexte et de règles de communication
- Prise de décisions à des fins de participation
- Développement de la confiance
- Laisser le cheval absorber et faire le tri
- Mise en avant
- Reculer
- Soins des sabots et de la santé d’une manière générale
- Seller
- Résister à l’instinct de fuite
- Essayer de nouvelles choses sans rechigner
- Désengager
- Séparer l’avant-main de l’arrière-main
- S’assouplir
- Rester calme à l’attache
- Monter dans le van et voyager
- Donner les pieds
Traditionnellement, l’apprentissage des toutes premières aides à la communication se fait dans un rond-de-longe depuis la selle d’un cheval plus chevronné ou directement depuis le sol. Cela permet au cheval comme au cavalier de se jauger, ainsi de construire la confiance. Les méthodes de travail des vaqueros sont basées sur la nature même du cheval. Au-delà des bases, il existe deux écoles de pensées :
a. ceux qui travaillent peu au sol. L’objectif est de monter les chevaux et de les “rentabiliser” dès que possible.
b. ceux qui construisent d’abord des liens forts au sol avant de seller et d’amener le cheval par étapes au travail.
Le travail au sol se fait à l’aide d’un hackamore épais dont la mecate est montée en guise de longe, plus récemment l’on utilise aussi le licol corde. Afin de compléter le travail de maternelle fait au sol, la mecate est nouée de manière à faire des rênes. Les poulains sont montés en hackamore que ce soit en maternelle ou en école primaire. Les chevaux plus anciens sont aussi montés en hackamore à des fins de rééducation.
De la Primaire au Collège : le Hackamore
Ce niveau confirme ce qui a été acquis en maternelle. À partir de là, l’on peut passer à de nouveaux apprentissages :
- Équilibre
- Positionnement correct
- Interprétation des aides à une main ou des jambes seules
- Apprentissage du travail au lasso
- Développement musculaire et tendineux en parcourant la campagne
- Gagner de l’expérience dans le travail au lasso et le regroupement du bétail
- Transitions
- Changements de pieds
- Changements de direction
- Bases du travail du bétail
- Se familiariser et améliorer son comportement face à de nouvelles situations
- Développement de signaux comme unités de communication
- Bases des rênes d’appui
- Flexions latérales et verticales
- Reculer en rythme afin d’engager les postérieurs et de relever le garrot, ce qui permet de libérer les épaules
- Isoler chaque partie du corps
- Commencer à anticiper les demandes
Comme le dit le vieux dicton : “Lorsque le cheval monté en hackamore est aussi bon que ce qu’il peut l’être”, il peut passer en classe supérieure en double-rênes.
Lycée : les Double-Rênes
Il s’agit là d’une transition critique entre deux étapes pendant laquelle le partenariat entre l’homme (ou la femme bien sûr) et le cheval continue de se développer. Au cours de cette étape, l’on voit :
- Les débuts en bosalita 3/8” et mors (soit à branches pour démarrer ou droit à l’ancienne)
- Amélioration du temps de réponse
- Manœuvres avancées
- Travail du bétail en extérieur
- Apprendre à se poser sur le mors
- Faciliter la transition entre la bosalita 3/8″ et le mors pour les signaux primaires courts
- Développer la posture et le dos
- Amélioration de l’endurance
- Affiner les rênes d’appui
- Faire que le cheval ressente et réagisse à l’état d’esprit de son cavalier
- Enseigner des aides plus compliquées
- Commencer à travailler droit
- Accroître la vitesse, la puissance et le rythme
Université : le Mors à Branches
Finalement, cheval et cavalier font montre d’une habileté certaine à gérer presque toutes les situations, quelque soit la vitesse ou la direction, avec efficacité, grâce et fluidité. La communication se fait via des combinaisons d’aides complexes et par la capacité à “compenser” gagnée à force d’expérience. Le cheval travaille droit : tant dans la maîtrise du corps que dans celle du mors. La constance d’un travail porté sur le raffinement et l’affûtage de ces compétences permet de progresser vers un cheval répondant rapidement tout en restant détendu, sans que cela ne soit jamais contraignant. Il y a en effet toujours quelque chose de neuf à découvrir ou à améliorer tout en préservant ce qui a été acquis pour l’avenir.
Rarement atteint aujourd’hui, le niveau post-université consiste à affiner la maîtrise du mors et en faire un art à part entière. La relation entre le cheval et le cavalier ou la cavalière s’est développée et continue à s’approfondir chaque jour passé ensemble. Idéalement, le cavalier ne se considère plus que comme steward à bord et offre le meilleur de ses compétences pour que lui et son cheval travaillent en harmonie. Le style californien des vaqueros ne s’attache pas tant à la tâche qu’ils ont à accomplir qu’à la manière dont celle-ci est accomplie. C’est la fierté et l’héritage des vaqueros californiens.
Modernité : Voyage du Bridle Horse (et de son Cavalier)
Buck Brannaman _ prenant exemple sur ses aînés que sont Ray Hunt, Tom Dorrance et son frère Bill Dorrance _ ajoute une nouvelle étape au voyage : le mors simple. J’ai aussi choisi de suivre cette voie car je crois qu’il est important de travailler un cheval en mors simple et doux. Il y a une raison très pragmatique derrière ce choix : les chevaux vivent dans un monde où les cavaliers, pour la plupart, ne prennent pas le temps d’apprendre la manière douce.
Dans la mesure où ils (les chevaux) vont avoir à faire à de nombreux cavaliers différents tout au long de leur vie, qu’ils seront vendus et achetés plusieurs fois, et dans la mesure où bien des cavaliers ne connaissent que le mors, je pense qu’il est important que les chevaux soient éduqués le mieux possible avec ce type de mors. Mieux ils y répondront et moins les cavaliers auront tendance à avoir la main lourde…
Ce voyage moderne se fait donc en plusieurs étapes :
- Le licol corde pour les deux ou trois premiers jours, ceci afin d’enseigner les aides de mise en avant au cheval et qu’il accepte la selle et son cavalier.
- Le mors simple pour environ un an, ceci afin de lui enseigner tous les mouvements de base depuis les flexions latérales et verticales aux changements de pieds, en passant par le croisement des postérieurs, le passage de l’avant-main, les allures, etc.
- Le bosal (ou hackamore) pour une autre année, ceci afin d’affiner l’ensemble des bases et d’améliorer le feeling entre le cheval et le cavalier ou la cavalière.
- Les double-rênes (un hackamore léger combiné à une bride californienne) pour environ un an, ceci afin d’aider le cheval et son cavalier à mieux appréhender la transition depuis le hackamore au mors de bride.
- Le mors de bride pour la suite…
Sidepull, hackamore mécanique et autres équipements
Bien que vous puissiez utiliser ces pièces d’équipement pour pratiquer l’ensemble des exercices décrits sur ce site internet, ils ne peuvent que difficilement trouver une place dans la tradition des Vaqueros californiens. La raison est qu’un sidepull ou un hackamore mécanique ne peuvent se substituer au mors lors de la première étape dans la mesure où la précision du mors requiert cette légèreté de la main aux coins de la bouche du cheval. D’autre part, ils ne peuvent pas non plus remplacer correctement le bosal, car la pression est censée se faire par en-dessous afin de mieux travailler légèreté et souplesse. Or le sidepull porte bien son nom : l’on tire depuis les côtés de la tête du cheval…