Cet écuyer portugais est souvent considéré comme le Maître du dressage. Contrairement à ce qui est communément accepté, le dressage est à l’origine une équitation légère, douce et respectueuse. Nuno Oliveira est un superbe représentant de la Haute-École de dressage et ses enseignements sont étonnamment très proches de ceux de Tom Dorrance…
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Nuno Oliveira est un maître du dressage classique, certains parlent de lui comme LE Maestro de la Haute-École. Il est certain qu’il est une référence majeure dans le monde du dressage et j’ai été agréablement surpris en le lisant : il y a tant de choses en commun entre le dressage classique et l’équitation naturelle.
J’ai lu et analysé les Œuvres Complètes de Nuno Oliveira qui couvrent plusieurs décennies d’équitation classique : Réflexions sur l’Art Équestre (1965), Notes d’Équitation Élémentaires… (1972), Principes Classiques de l’Art de Dresser les Chevaux (1983), Souhaits et Souvenirs (1984-1985), Propos d’un Vieil Écuyer aux Jeunes Écuyers (1986), Les Chevaux et leurs Cavaliers (1987) et Propos sur des Croquis Équestres (1990).
Il y aurait beaucoup à écrire au sujet de Nuno Oliveira. En quelques mots, nous pouvons le considérer comme le descendant direct de Xenophon et de tous ces hommes de cheval s’inscrivant dans cette lignée hédoniste. Le maître du dressage cite abondamment les écuyers français tels que le Capitaine Beudant, mais plus encore François Baucher et François Robichon de la Guérinière.
“Demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup.“
Capitaine Beudant
Nuno Oliveira est au dressage ce que Dorrance est à la monte Western
Je considère ces deux hommes comme étant cousins dans leur pratique équestre : Tom Dorrance fut le mentor de nombreux grands hommes de cheval, l’on disait de lui qu’il avait un don avec les chevaux, une capacité hors du commun à se faire comprendre. Nuno Oliveira bénéficie de la même aura dans le monde du dressage. Les deux individus ont su exporter leur image à travers la planète, les deux ont vécu pour les chevaux.
J’ai été littéralement saisi de lire Nuno Oliveira parler de Sensibilité, de Timing et d’Équilibre. L’instructeur équestre parle du tact et rappelle combien il est important de ressentir le cheval, de relâcher et de récompenser au bon moment, finalement il explique comment utiliser l’assiette du cavalier pour diriger gentiment et naturellement la monture. Je pourrais consacrer l’article aux similitudes entre ces deux hommes : utilisation du Soft Feel, préparation de le position pour la transition, être doux et délicat, ne pas utiliser de gadgets (même en dressage !), “sentir l’humeur du cheval dans l’instant”, etc. Mais il y a quelque chose de bien plus important dans l’œuvre de Nuno Oliveira…
“Seul, l’homme qui aime le cheval, qui le comprend et qui le sent, peut posséder le tact équestre.”
Réflexions sur l’Art Équestre, Nuno Oliveira
Haute-École vs Dressage
“On a tendance, de nos jours, à oublier que l’équitation est un art. Or, l’art n’existe pas sans amour […] L’art c’est la sublimation de la technique par l’amour.” Paroles d’un écuyer…
C’est là qu’est le schisme entre Haute-École et Dressage, tel que perçu par Nuno Oliveira en personne. Il a tendance à opposer une école latine _ en premier lieu une école équestre française vieille de plusieurs siècles _ à une école saxonne _ qu’il assimile au dressage “à l’allemande”. Je ne suis pas de ceux qui généralisent à l’échelle des nations, car je crois que le problème est aujourd’hui international et j’ai plutôt tendance à adhérer à l’autre de ces deux idées majeures : l’opposition de l’équitation pour la médaille contre l’équitation pour le cheval. C’est à mon avis là le cœur de la question.
Les cavaliers qui courent après les prix et la gloire lors des compétitions oublient la quintessence même de l’équitation : le cheval ! Ils cherchent des solutions à court-terme pour obtenir des réactions et des mouvements bien spécifiques, ils ont tendance à forcer leur partenaire équin à l’obéissance par tous les moyens. L’intégrité et la dignité psychologique et physique du cheval sont mises de côté en faveur des objectifs et des prix.
“En Art Équestre, il n’est pas question d’impressionner les observateurs mais plutôt d’établir avec le cheval une telle harmonie et une telle compréhension qu’en descendant de cheval, le cavalier sente qu’il y a eu des moments de beauté profonde et que son esprit a pu s’élever au-dessus de la vulgarité et de la médiocrité.”
Souvenirs d’un Écuyer Portugais, Nuno Oliveira
Un peu vieux-jeu
Nuno Oliveira a commencé à écrire dans le Portugal des années 60, il appartenait à son histoire et quelques-uns de ses principes nous paraissent aujourd’hui surannés. D’une certaine manière, la lecture de ses livres me donne à penser que ce contexte ne lui a pas permis d’aller au bout de ses idées.
Par exemple, je trouve étonnant qu’un homme doué de tant d’amour pour les chevaux et ce qu’ils représentent ne pratique pas de débourrages plus en douceur : il explique en effet dans son dernier livre comment trois assistants doivent venir en renfort pour habituer le cheval à la bride, à la selle et à la chambrière. Dans Souvenirs…, il nous dit comment deux de ses propres chevaux de dressage l’ont jeté à terre ! Dans un autre ouvrage, il nous explique combien il devait faire attention à comment enlever son chapeau lors des shows afin de ne pas effrayer son cheval.
Pour conclure cet article, je souhaite tempérer l’idolâtrie qui règne autour de cet homme de cheval car je crois que nous ne devons être les disciples de personne et que l’équitation ne devrait en aucun cas être dogmatique. Ceci étant, il est indéniable que Nuno Oliveira fut un grand écuyer à sa manière et que bien des chevaux de dressage vivraient bien mieux si leurs cavaliers étaient aussi assidus à la lecture qu’à l’éperonnage de leurs montures. Enfin, je n’ai pas fait mention des informations pratiques et techniques qui regorgent dans les Œuvres Complètes, mais il s’agit effectivement d’une source très intéressante d’exercices de dressage et de conseils utiles dans toutes les disciplines.